Tremblement de terre : Les scientifiques confirment le lien avec l’industrialisation du territoire

28/05/2024 à 07:31 • Klervie Vappreau

Après les secousses ressenties récemment à Tarbes, une étude sur la région Lacq, dans les Pyrénées atlantiques, met en lumière les conséquences des activités industrielles sur le territoire.

Mardi 21 mai, un tremblement de terre d’une magnitude 4 à 4,7 s’est produit au sud de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées. Un séisme certes sans dégâts, ni blessés, mais largement ressenti par la population qui n’a pourtant pas été effrayée. Depuis longtemps, une grande activité sismique est présente sur la chaîne des Pyrénées, tremblant jusqu’à 300 à 400 fois par an. Si dans la majorité des cas, les tremblements sont causés par la convergence entre la plaque tectonique ibérique et eurasiatique, une récente étude franco-allemande émet une nouvelle raison.

Souvent étudiée par les scientifiques, la région Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, est une zone identifiée comme « cluster ». Depuis 1969, les tremblements de terre sont récurrents dans cette zone, environ 100 chaque année, en plus de l’activité de la chaîne des Pyrénées. La région fait d’ailleurs l’objet d’une page dédiée sur le site de l’Observatoire Midi-Pyrénées.

« Rien de naturel »

Des secousses qui ont débuté quelques années après l’ouverture du site de réservoir de gaz, dans cette région connue pour son exploitation de l’hydrocarbure. Un contexte qui n’est pas anodin pour les scientifiques, qui ont rapidement cherché le lien entre les deux.  Pendant trois ans, une quinzaine de capteurs sismiques ont été installés aux abords du site industriel de Lacq, pour une étude plus précise sur l’origine des séismes. Un rapport international mené par Jean Letort, enseignant chercheur à l’université Toulouse III-Paul Sabatier, qui a recensé, localisé et analysé les tremblements même les plus infimes.

Grâce à des analyses de chaque séisme, croisé avec les données d’injections d’eaux usées faites depuis 50 ans, une équipe de scientifiques franco-allemands a pu mettre en évidence un lien entre les deux et confirmé l’hypothèse de Jean letort

« On a pensé, pendant longtemps, que l’extraction du gaz provoquait une sorte d’effondrement et entraînait une activité sismique. Or, l’extraction du gaz a été arrêtée en 2013 mais les séismes n’ont pas cessé. Notre étude montre que le facteur des injections d’eaux usées a un rôle majeur dans la sismicité. Les eaux usées issues de l’activité industrielle sur le site sont en fait stockées régulièrement dans le réservoir sous terre. Il existe donc bien une zone ou les tremblements de terre n’ont rien de naturels, une réalité qui peut s’étendre sur les Pyrénées »

Des données rendues publiques

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Sur cette carte, qui compile des données depuis 2019, on voit apparaître en rouge les séismes naturels et en orange, ceux déclenchés par les activités humaines, autour du bassin de Lacq. © Crédit photo : BCSF-Rénass

Les conclusions viennent d’être publiées dans une revue scientifique Geophysical journal international.  Des données essentielles quand on dénombre de plus en plus de tremblements et de projets de séquestration de gaz carbonique. Comme le projet transfrontalier de stockage de CO2, baptisé Pycasso, prévu pour 2030. De plus, de nombreux projets européen ont dû être interrompus et l’injection ou l’extraction en sous-sol devient un sujet clivant. De prochaines études devraient établir les répercussions de ces séismes « industriels », sur les sites naturels comme les Pyrénées.

Raphaëlle Savary