Le 12 juin dernier, une étude anglaise a démontré un phénomène migratoire inexpliqué depuis 70 ans. Will Hawkes revient sur ses recherches faites sur 17 millions d’insectes transitant, chaque automne, des Pyrénées vers l’Espagne.
« Un blizzard de papillons jaunes et blancs, comme une tempête de pétales », qui se déroulerais chaque automne dans les Pyrénées, selon le scientifique Will Hawkes. « Une description inédite, pour une migration inédite », ajoute-t-il, car tous les ans, 17 millions d’insectes franchissent le col de Boucharo, à la frontière entre la France et l’Espagne. Une migration donc « dirigée», qui remet l’idée, que les insectes disposent d’une boussole et d’un mécanisme d’identification de la direction de vent, sur le tapis. Selon des travaux menés, dont l’étude est sortie le 12 juin dernier, 20 familles d’insectes diurnes se déplacent dans un col de seulement 30 mètres de large. « Mouches domestiques, papillons, libellules… 3683 individus par mètre et par minute », insistent les chercheurs.
« Voir autant d’insectes se déplacer délibérément dans la même direction, en même temps, est vraiment l’une des grandes merveilles de la nature. »
Les avantages écologiques
La plupart de ces insectes migrateurs (90%) sont des syrphes à ceinture et des mouches aux rayures orange et noires. Elles se nourrissent de pucerons et sont donc parfaites pour débarrasser les cultures ou les jardins des parasites. De plus, ces migrateurs transportent également des éléments nutritifs, pouvant jouer un rôle pour la santé des sols et la croissance des plantes. Malheureusement, leur nombre aurait décliné en raison du changement climatique, de l’usage des pesticides et de la perte d’habitat. Les scientifiques, en s’appuyant sur une étude allemande 2020, pointent un effondrement de la population d’une espèce similaire.
Une découverte britannique
La découverte date de 1950, par hasard, deux chercheurs David et Elisabeth Lack, sont tombés sur une immense migration d’insectes et d’oiseaux volant à travers le col pyrénéen de Boucharo, de la France vers l’Espagne. Les années qui ont suivi, la science anglophone a continué à s’intéresser au phénomène, sans pour autant le comprendre. Avec les problèmes climatiques et le manque de moyen, les recherches ont peu à peu diminué. Ce n’est que 70 ans plus tard, qu’encore une fois par hasard, le scientifique britannique Will Hawkes s’est retrouvé enveloppé d’un nuage d’insectes qui bourdonnaient de manière « déterminée ». « Un tapis vivant étais à mes pieds », raconte le chercheur à l’Université d’Exeter (Royaume-Uni), premier auteur de l’étude parue mercredi dans les Proceedings B de la Royal Society britannique. Une « redécouverte » du phénomène, qui renouvelle l’envie d’une équipe de chercheurs anglais à quantifier cette migration massive. De 2018 à 2021, de nombreuses caméras ont donc été déposées, dans tout le col, ainsi que dans le cirque de Gavarnie.
Après la publication de son étude, Will Hawkes pense déjà à continuer celle-ci, pour affiner les données selon les différents climats et en se projetant à 2050.